Deux notes de France Stratégie publiées en septembre font l’état des lieux des besoins en emploi dans le secteur de la rénovation énergétique et des ressources humaines disponibles. La France devra affronter une pénurie de main d’œuvre. La formation et le report des effectifs de la construction semblent les seules solutions pour mener à bien « le chantier du siècle ».
Rénovation énergétique : des objectifs ambitieux
Le Secrétariat général à la planification écologique a édité un document d’orientation de la décarbonation du secteur du bâtiment, qui doit servir de base à la révision de la Stratégie Nationale Bas Carbone.
Ce document, soumis en ce moment à concertation, fixe des objectifs très précis à atteindre d’ici 2030 :
- une baisse de 61 % des émissions du bâtiment dont 60 % est à réaliser dans le résidentiel par le remplacement des chauffages gaz et fioul et des travaux d’isolation.
- l’isolation de 60 % des passoires thermiques ;
- le remplacement de 75 % des chaudières fioul et de 20 % des chaudières gaz ;
- la rénovation de 3 % du parc des bâtiments publics en Bâtiment Basse Consommation tous les ans.
La réalisation de ces chantiers nécessitera une main d’œuvre importante. Si l’on compte les créations d’emplois et les départs à la retraite, 635 000 emplois seront ainsi à pourvoir dans la rénovation énergétique d’ici 2030.
Actuellement, la France ne compte pas assez d’actifs pour occuper ces postes. Il y aura donc besoin de faire appel aux reconversions, aux mobilités.
Le ralentissement de la construction neuve pourrait également entraîner un report des effectifs vers la rénovation. Mais il y a un hic : la main d’œuvre de la construction n’est pas localisée là où sont les besoins en rénovation ! C’est-à-dire dans les régions froides et les zones rurales avec chauffage fioul, comme le Grand Est ou les Hauts de France.
Former, développer le RGE
La réponse au manque de main d’œuvre devra ainsi surtout être la formation. Mais les très petites et petites entreprises sont très éloignées de la formation, constate France Stratégie, en partie à cause du manque d’anticipation des besoins en formation dans ces structures ou encore de la personnalité des dirigeants.
L’absence de formation serait un « obstacle majeur à la professionnalisation du secteur » car les techniques et la réglementation évoluent très vite et les ouvriers doivent se tenir à jour pour réaliser des travaux conformes.
Bon à savoir
Selon les estimations de l’Ademe, du Shift Project et d’autres think tank, les travailleurs dans la rénovation énergétique des bâtiments représenteraient entre 150 000 et 300 000 équivalents temps plein.
Un million de pros exerceraient un métier nécessaire à la rénovation énergétique soit près de 2 pros sur 3 dans le bâtiment. Ce sont majoritairement des pros de l’enveloppe.
De plus, le nombre d’entreprises réellement compétentes en matière de rénovation énergétique est peu élevé. Seules 62 000 entreprises du bâtiment sont labellisées Reconnu Garant de l’Environnement. L’objectif fixé actuellement est d’atteindre les 250 000 entreprises RGE d’ici 2028.
Malheureusement, les professionnels sont peu intéressés par le label car il est coûteux. Les opportunités de chantier découlant de l’obtention du label sont également incertaines, à cause des multiples changements réglementaires qui interviennent trop souvent, chamboulant les aides, et influant parfois négativement sur la demande de travaux.
Un marché qui devra se transformer
Le gouvernement veut multiplier par 10 les rénovations globales d’ici 2030, plus performantes que les rénovations monogestes. Par ailleurs, la réforme de MaPrimeRénov’ prévoit de rendre la rénovation globale obligatoire pour les propriétaires de passoires thermiques qui veulent bénéficier de l’aide. Or aujourd’hui, le secteur de la rénovation compte surtout des petits acteurs spécialisés et trop peu d’entreprise capables de piloter et exécuter seule une rénovation globale.
France Stratégie évoque comme solution la création d’un accompagnement public à la reprise d’entreprises, à la gestion et au management pour aider les artisans à monter en compétences. Mais l’administration pêche pour l’instant par son manque de connaissance du marché.
Elle envisage ainsi d’améliorer l’observation statistique du marché au moyen d’une enquête annuelle auprès des entreprises du bâtiment (part d’activité consacrée à la rénovation énergétique, rôle des aides…).
Dans l’une de ses notes, France Stratégie dessine enfin les contours des futurs métiers de la rénovation énergétique, ceux qui n’existent pas encore : coordinateur de travaux et chargé d’affaires en rénovation énergétique, pour lesquels il faudrait créer de nouvelles formations et certifications.
Bon à savoir
L’attractivité des métiers de la rénovation énergétique est faible car les contraintes physiques sont importantes et les ouvriers doivent souvent supporter sur les chantiers une température élevée.
NOTRE AVIS
La formation est bien sûr un élément-clé de la massification de la rénovation énergétique en France. La formation en profondeur des artisans doit se développer ainsi que la labellisation RGE, en se simplifiant.
Former les professionnels de travaux sur les évolutions techniques et réglementaires fait aussi partie des missions des mandataires comme Penser Mieux l’Énergie, qui doivent jouer pleinement leur rôle en accompagnant la montée en compétences des artisans.
Enfin, il est très important que se positionnent sur le marché des coordinateurs de travaux ou ensembliers aptes à conduire des rénovations globales efficacement et rapidement en proposant aux bénéficiaires un interlocuteur unique.
Liens vers les notes d’analyse :