La Commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la politique publique française de rénovation énergétique se poursuit. Elle a auditionné ces dernières semaines Nicolas Hulot, ancien ministre de l’Écologie, Julien Denormandie, ex-ministre du Logement, Corinne Le Quéré du Haut Conseil pour le Climat ainsi que des membres de France Stratégie. Retrouvez notre synthèse des derniers échanges.
Nicolas Hulot, ancien ministre de l’Écologie, Julien Denormandie, ex-ministre du Logement, Corinne Le Quéré du Haut Conseil pour le Climat ainsi que deux membres de France Stratégie se sont succédé devant la commission ces dernières semaines de mars. À la suite de Ségolène Royal, Emmanuelle Cosse, Barbara Pompili, François de Rugy, Emmanuelle Wargon, Cécile Duflot et Sylvia Pinel, ils se sont exprimés sur les forces et les faiblesses de la politique de rénovation énergétique menée depuis vingt ans en France.
Nicolas Hulot a fustigé le « manque de méthode et de stratégie dans la politique mise en œuvre ». Sa collaboratrice Michèle Pallapardo a souligné « la difficulté à gérer le prospectif et des sujets de long-terme dont on a plus l’habitude » auxquels appartient la rénovation énergétique. Elle a nuancé une critique récurrente en rappelant qu’« il y a de la continuité dans nos politiques : les CEE, le DPE, datent par exemple de 2005 », avant de rappeler également l’importance de restaurer de la confiance chez les concitoyens.
Côté mesures concrètes, ils préconisent ensemble de fiabiliser le DPE, mobiliser les syndics pour accompagner les copropriétaires et améliorer la mesure des économies d’énergie.
Ils évoquent comme axe d’innovation une meilleure exploitation de la filière des biomatériaux dans la rénovation thermique et l’indexation des aides sur la performance après travaux.
Julien Denormandie a insisté quant à lui sur la nécessité de « retrouver du temps long dans la politique du logement », en faisant appel à la « planification ».
Il suggère aussi de développer la défiscalisation incitative des travaux de rénovation en prenant exemple sur le dispositif Denormandie.
Concernant les mesures à envisager pour massifier la rénovation des copropriétés, il évoque la possibilité de faire porter les prêts travaux par la copropriété plutôt que les copropriétaires avec cession de la dette en cas de changement de copropriétaire.
Sans cela, selon l’ex-ministre, la rentabilité des travaux est trop faible, un logement étant occupé en moyenne 8 ans et demi par un propriétaire. Il a rappelé aussi la nécessité de faciliter les décisions dans les copropriétés.
Le Haut Conseil pour le Climat salue une hausse des rénovations depuis 2016.
Il formule des préconisations pour rendre la politique de rénovation plus efficace :
- mettre en place des formations pour les professionnels de travaux ;
- voter une loi de programmation de la rénovation énergétique ;
- promouvoir les réseaux de chaleur ;
- supprimer les aides aux monogestes ou mettre les gestes individuels dans un parcours de rénovation qui va vers la rénovation globale ;
- mieux impliquer les banques et les architectes ;
- planifier et encourager les rénovations globales ;
- agir sur la sobriété ;
- mettre en place des contrôles du label RGE ;
- mieux coordonner l’action des collectivités et de l’État.
Un nouvel acteur polyvalent de la rénovation : l’ensemblier ?
Les deux membres de France Stratégie auditionnés ont rappelé le retard de la France en matière de rénovation énergétique par rapport aux autres pays européens.
Pour France Stratégie, le financement est une question centrale. L’institution a donc réfléchi à une solution opérationnelle : faire émerger un nouveau type d’acteur appelé ensemblier.
L’ensemblier serait chargé de la conception du projet de travaux et porterait également l’investissement tout en se remboursant sur les économies d’énergie. Ainsi, les travaux ne coûteraient rien au bénéficiaire.
Cela permettrait d’orienter les aides publiques uniquement vers les rénovations les moins rentables.
Le recours à un ensemblier permettrait aussi de contrôler l’effet rebond en limitant la baisse de la facture d’énergie après travaux. En 2023, 370 000 rénovations performantes ont été réalisées en France contre 50 000 entre 2021 et 2022. L’objectif est d’atteindre les 700 000 rénovations d’ici 2030.
Bon à savoir
Qu’est-ce que l’effet rebond ?
On désigne par « effet rebond », la tendance de certains consommateurs après travaux, une fois leur facture d’énergie réduite, à augmenter leur consommation d’énergie.
France Stratégie suggère aussi de créer une obligation de rénovation énergétique des logements F et G au moment de la vente et d’accélérer la distribution du PTZ, qui est très faible, alors que l’éco-prêt a un gros potentiel.
Enfin, le cabinet a également évalué le dispositif MaPrimeRénov’. Il ressort de son analyse que les travaux de chauffage et de ventilation sont les plus financés avec les aides et que les travaux les plus efficients ne sont pas les mieux subventionnés. L’impact des travaux est plus important en termes d’émissions de Co2 que d’économies d’énergie. Le recours à MaPrimeRénov’ Copropriétés est encore trop faible.