Les membres de la Commission du Sénat sur la rénovation ont auditionné de nouveaux experts pour évaluer les axes d’amélioration de la politique de rénovation énergétique française. Synthèse des derniers échanges.
Trois citoyens – Maxime Combes, Daniel Ibanez et Françoise Verchère – ont présenté à la Commission une proposition de loi développant un nouveau modèle de financement de la rénovation, alternatif à la subvention.
Le principe ? Proposer un reste à charge 0 aux propriétaires grâce à une offre publique de prêts travaux garantis par des hypothèques à due concurrence sur le bien. Les prêts seraient ainsi remboursés à la mutation du bien.
Cette solution, associée à une obligation de rénover, permettrait selon eux de financer les travaux à 100 % sans conditions de revenus.
Contrairement à la subvention, elle permet aussi d’éviter la hausse des loyers après les travaux puisqu’elle garantit le reste à charge 0 pour les propriétaires.
La proposition de France Stratégie de créer des ensembliers, présentée lors des auditions précédentes, leur fait craindre une recherche de rentabilité par les investisseurs, un risque d’opportunisme, un risque inflationniste et un montage complexe.
BON À SAVOIR
La durée de la propriété d’un bien est de 14 ans en moyenne : ainsi dans la projection des auteurs de la proposition de loi, le remboursement du prêt arrive assez tôt.
Le réseau pour la transition énergétique (CLER) préconise de ne pas se focaliser sur la décarbonation du chauffage en oubliant l’isolation. Il soulève aussi le manque de coordination entre les dispositifs d’aides.
Les associations NégaWatt, Dernière Rénovation, Compagnons Bâtisseurs et le Conseil National pour les associations familiales laïques réclament plus de rénovation globale.
Elles préconisent :
- de remplacer les aides par des prêts à taux zéro financés par d’autres personnes que les bénéficiaires (banque dédiée…) notamment pour éviter l’effet inflationniste des aides ;
- de remplacer l’incitation par l’obligation ;
- de mettre plus d’argent public dans la rénovation énergétique ;
- de faire des prêts à taux zéro sans conditions avec des règles différentes (taux d’endettement, etc) ;
- de garantir un résultat post-travaux ;
- de réduire la fraude ;
- d’accélérer la rénovation globale des logements ;
- de développer l’accompagnateur Rénov’ ;
- d’articuler rénovation des bâtiments et préservation du patrimoine.
Elles regrettent que l’éco-PTZ ne soit pas assez distribué.
Philippe Pelletier, du Plan Bâtiment Durable, se félicite de la stabilité des objectifs fixés en 2009 à horizon 2050 en matière de décarbonation, affirmant que « la rénovation énergétique n’est pas un échec du tout ».
Avec Marie Garcia, directrice du collectif Effinergie, il recommande de viser des bâtiments basse consommation (BBC), d’harmoniser les aides (critères d’éligibilité, etc) et conclut malgré tout que l’offre de travaux est insuffisante sur le territoire pour atteindre les objectifs fixés.
« Les banques sont les grandes absentes de la rénovation énergétique » affirment-ils ensemble, évoquant la possibilité de créer une banque dédiée.
Les 2 représentants de l’Agence Nationale de l’Habitat Thierry Repentin et Valérie Mancret-Taylor, respectivement Président et Directrice générale de l’ANAH considèrent que les rénovations globales et monogestes sont complémentaires et qu’il faut « laisser le choix aux propriétaires ». Les dirigeants de l’ANAH ont rappelé qu’il existe très peu d’entreprises générales de rénovation en France, ce qui nécessite de coordonner des corps d’État et complique la rénovation globale.
Dressant le bilan de MaPrimeRénov’, ils se félicitent que 68 % des allocataires fassent partie des ménages modestes et rappellent que 21 Mds d’euros de travaux ont été générés grâce aux aides de l’ANAH en 3 ans.
Ils ont également décrit le plan de contrôle des travaux mise en place par l’ANAH : contrôles sur pièces (sur 100 % des dossiers) et sur place (sur 10 % des dossiers) avant le versement de la prime.
Olivier Sichel, directeur général délégué de la caisse des dépôts et consignations, auteur du rapport Sichel sur la rénovation des logements privés, a relevé l’importance du problème du déménagement des occupants lors de la rénovation globale d’un logement.
Le Président de l’Ademe Boris Ravignon, et José Caire, directeur Villes et territoires durables à l’Ademe, ont recommandé d’aligner les rénovations sur la performance basse consommation BBC et d’indexer les aides financières sur la performance des travaux.
Ils suggèrent aussi :
- de développer les ensembliers pour avoir des rénovations globales avec garanties de résultat et de les accompagner avec un fonds de garantie ;
- de former plus d’artisans sur les techniques et les matériaux biosourcés ;
- d’impliquer plus les banques et de développer les offres de prêts.
notre avis
Penser Mieux l’Énergie rejoint la position de l’Anah sur la complémentarité de la rénovation globale et de la rénovation monogestes, la rénovation partielle pouvant être le début d’un parcours de rénovation plus ambitieux.
Il ressort de ces dernières auditions un consensus sur la nécessité de mobiliser les banques et de proposer plus de prêts à la rénovation. C’est un constat que nous partageons. Les aides sont en effet déjà nombreuses. Mais l’éco-PTZ n’est pas du tout suffisamment distribué et trop peu de prêts avantageux existent aujourd’hui pour faciliter le financement des travaux par les ménages.